Janvier 1986
Existe-t-il, comme certains le disent ou l'écrivent, deux sortes de médicaments ?
Les médicaments efficaces, produits de haute technicité, difficiles à manier, voire dangereux, et dont l'utilisation devrait être réservée à des prescripteurs très avertis, et les "petits médicaments" c'est-à-dire tous ceux dont l'efficacité n'a pas été scientifiquement prouvée et dont on ne saurait au mieux obtenir qu'un effet placebo. Ceux-là grèveraient indûment un budget de la Santé déjà bien surchargé et devraient être résolument sacrifiés, c'est-à-dire exclus du remboursement, autrement dit, "déclassés".
Une telle opinion est professée par des médecins fondamentalistes; c'est la thèse soutenue par le Pr Philippe MEYER dans son "Histoire du Médicament" qui n'a pas reçu, à notre connaissance, de contradiction. Le Pr MEY ER n'hésite pas à qualifier de "médicaments de pacotille" tous les produits qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité, comme par exemple les "traitements de l’insuffisance sexuelle ou intellectuelle, ceux des troubles de la mémoire, des lourdeurs des jambes, etc. . . . , bref de toutes les misères humaines, grandes ou petites que la "science" médicale actuelle tendrait à rejeter parce qu'elles ne se moulent pas dans des concepts biologiques opératoires.
Une opposition aussi tranchée, véritable "lutte des classes" thérapeutique entre grands et petits, soulève bien des objections.
Peut-on imaginer la position d'un médecin qui refuserait toute prescription aux innombrables plaintes non solvables par une thérapeutique d'efficacité pharmacologiquement démontrée, ou qui leur opposerait des remèdes dévalués parce que non remboursés pour cause d’inefficacité ?
Dans cette même optique, les épais manuels de thérapeutique que rédigent d'autres confrères se réduiraient à presque rien si l'on devait retrancher les substances dont l'efficacité n'a pas été démontrée par essai contre placebo et mieux, en double insu!
Il est évident que le temps n'est pas venu où la parfaite coïncidence entre plaintes et besoins des patients, constatations solides de l'examen médical et données pharmacologiques, permettraient une thérapeutique d'efficacité parfaitement claire et démontrée. En attendant ces temps bénis, l'art médical ayant toujours pour finalité le soulagement des patients. Le médecin est condamné, comme bien d'autres professionnels, et pour longtemps encore à agir avant de savoir.
Il y a plus : l'efficacité pharmacologique n’est qu'un des aspects de l'efficience du médicament et pas toujours le plus important la signification symbolique, le rôle médiatique, la représentation socio-culturelle, sont parfois des facteurs prédominants dans certains usages du médicament dans la pratique courante.
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Les médicaments efficaces, produits de haute technicité, difficiles à manier, voire dangereux, et dont l'utilisation devrait être réservée à des prescripteurs très avertis, et les "petits médicaments" c'est-à-dire tous ceux dont l'efficacité n'a pas été scientifiquement prouvée et dont on ne saurait au mieux obtenir qu'un effet placebo. Ceux-là grèveraient indûment un budget de la Santé déjà bien surchargé et devraient être résolument sacrifiés, c'est-à-dire exclus du remboursement, autrement dit, "déclassés".
Une telle opinion est professée par des médecins fondamentalistes; c'est la thèse soutenue par le Pr Philippe MEYER dans son "Histoire du Médicament" qui n'a pas reçu, à notre connaissance, de contradiction. Le Pr MEY ER n'hésite pas à qualifier de "médicaments de pacotille" tous les produits qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité, comme par exemple les "traitements de l’insuffisance sexuelle ou intellectuelle, ceux des troubles de la mémoire, des lourdeurs des jambes, etc. . . . , bref de toutes les misères humaines, grandes ou petites que la "science" médicale actuelle tendrait à rejeter parce qu'elles ne se moulent pas dans des concepts biologiques opératoires.
Une opposition aussi tranchée, véritable "lutte des classes" thérapeutique entre grands et petits, soulève bien des objections.
Peut-on imaginer la position d'un médecin qui refuserait toute prescription aux innombrables plaintes non solvables par une thérapeutique d'efficacité pharmacologiquement démontrée, ou qui leur opposerait des remèdes dévalués parce que non remboursés pour cause d’inefficacité ?
Dans cette même optique, les épais manuels de thérapeutique que rédigent d'autres confrères se réduiraient à presque rien si l'on devait retrancher les substances dont l'efficacité n'a pas été démontrée par essai contre placebo et mieux, en double insu!
Il est évident que le temps n'est pas venu où la parfaite coïncidence entre plaintes et besoins des patients, constatations solides de l'examen médical et données pharmacologiques, permettraient une thérapeutique d'efficacité parfaitement claire et démontrée. En attendant ces temps bénis, l'art médical ayant toujours pour finalité le soulagement des patients. Le médecin est condamné, comme bien d'autres professionnels, et pour longtemps encore à agir avant de savoir.
Il y a plus : l'efficacité pharmacologique n’est qu'un des aspects de l'efficience du médicament et pas toujours le plus important la signification symbolique, le rôle médiatique, la représentation socio-culturelle, sont parfois des facteurs prédominants dans certains usages du médicament dans la pratique courante.
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