SFMG - Société Française de Médecine Générale

Juin 2002 Rosowsky O, Andral J, Cittée J
RESUME
Les changements que connaît notre système de soins sont de grande ampleur. L'implication croissante des problèmes de santé dans la vie économique et sociale débouche sur des tensions et des attentes exogènes d'où résulte, pour les producteurs de soins, l'injonction de rendre visibles le contenu et le produit de leur activité. Cette étude s'est proposée de mettre en évidence le management des dangers et risques d'évolution grave évitable qui s'effectue à l'occasion des soins donnés aux troubles de la santé traités au quotidien, c'est-à-dire sous la contrainte du mode discontinu de surveillance qui est commun à l'ensemble du secteur ambulatoire des soins médicaux.

Pour ce faire, elle a mis en oeuvre un concept diagnostique, élaboré par l'épidémiologiste R.N. Braun, qui comporte une ouverture graduée sur un ensemble d'alternatives possibles sur le moment. En effet, à côté de ce qu'on pourrait appeler le diagnostic clos, celui où l'étiologie des troubles a été complètement établie, d’autres résultats diagnostiques restent ouverts pour autant que le médecin ne dispose pas de données complètement établies et qu'il peut néanmoins faire la liste précise des dangers présents. Au terme d'une seule consultation, toutes les données de la certitude étiologique sont rarement disponibles, alors que sont déjà présents les dangers et les risques d'évolution grave sous-jacents. Par conséquent, si le médecin considère que la surveillance continue de type hospitalier et la gestion tous azimuts de ces risques en attendant l'aboutissement du diagnostic étiologique complet ne s'imposent pas, en d'autres termes, s'il considère que l'hospitalisation n'est pas adéquate, il est contraint de laisser la situation diagnostique ouverte, mais aussi d'agir en fonction du bilan des alternatives présentes.

Ce concept de résultat diagnostique ouvert débouche sur une classification de « scènes du danger » conduite par R.N. Braun. Les « cas » sont identifiés avec précision et sont mutuellement exclusifs entre eux en raison de leur méthode statistique de construction au très long cours. La version française, la Casugraphie, comporte une adaptation à la Classification internationale des maladies 10e Révision.
Le test d'application de la Casugraphie par deux praticiens généralistes et six spécialistes libéraux, exerçant en Ile-de-France, à 49 résumés de leurs consultations choisies au hasard, a révélé chez tous ces praticiens la présence constante de cette gestion raisonnée des risques. Celle-ci ne conteste pas le codage de la morbidité lorsqu'il résulte d'une démarche complète d'identification étiologique, mais identifie les situations pathologiques que le médecin assume avant et après un éventuel diagnostic étiologique complet. Il se confirme aussi que le cadre d'application de la Casugraphie déborde le cadre de la pratique quotidienne des généralistes en fonction de laquelle l'outil taxinomique a été construit au départ. La recherche sur le terrain a vérifié la faisabilité de sa classification et de son codage par des praticiens de ville, généralistes et spécialistes réunis.

Une lacune est comblée et une voie nouvelle est ouverte qui fait apparaître un segment professionnel crucial du service médical rendu par le travail intellectuel du médecin dans le secteur ambulatoire : réaliser, à l'occasion des troubles de la santé soignés au quotidien, le mode de repérage empirique des dangers et des risques de maladie et leur prévention. Ce qui semblait un effet implicite et insaisissable de routine préventive devient, par la forme et par la qualité de sa classification, une donnée qui peut être archivée, complétée de séance en séance, communiquée au réseau des soignants et, le cas échéant, au patient.

Mots clés : Médecine de ville – Risque – Casugraphie – Morbidité – Polypathologie –

Edité avec le soutien de M. Gérard de Pouvourville
C.R.E.G.A.S.
U 537 INSERM
94276 Le Kremlin-Bicêtre

[Télécharger le rapport]
Loading…
Loading the web debug toolbar…
Attempt #