La « fragilité » de la personne âgée est un concept mal connu en dehors des gériatres, y compris dans la communauté des soignants. État de transition entre la robustesse et la dépendance, il est marqué par une baisse progressive des réserves fonctionnelles et des capacités intrinsèques (capacités à se mobiliser et à garder sa masse musculaire, à entendre et voir, à comprendre et décider). Ces réserves ou capacités nous permettent de faire face et de nous adapter à un événement stressant, voire traumatisant, sur le plan physique ou psychologique, tel qu’une infection ou un deuil, sans perdre notre autonomie. L’état de fragilité est majoritairement réversible pourvu que celui-ci soit mis en évidence et que la personne ait la volonté et l'aide nécessaire pour revenir vers la robustesse ou au moins, pour stopper la dégradation vers la perte de son autonomie.
Or, il est solidement démontré que dans les mois suivants une infection grippale survenant chez une personne de plus de 65 ans, le risque de perte d'autonomie ou d'indépendance fonctionnelle, le risque d’infarctus du myocarde et le risque de fragilité augmentent tous trois de façon significative. Ainsi, il est prévisible que l’on observe les mêmes conséquences dans les suites d’une infection à COVID-19 et que de nombreuses personnes guéries se retrouvent fragilisées et augmentent notablement leur risque d’évoluer vers la dépendance.
Il est encore plus solidement démontré que la sédentarité et l'inactivité physique, les épisodes aigus de stress ou le stress chronique constituent eux aussi des facteurs de risque important de perte d'autonomie. Les situations de solitude, d'isolement, de deuil, de passage à la retraite, voire le passage de la cinquantaine, sont reconnues comme pouvant provoquer un état de stress chronique.
Le confinement, en réunissant plusieurs de ces facteurs (isolement social, accentuation de la sédentarité et stress psychologique parfois en lien avec le deuil d’un proche), a créé les conditions favorisant une évolution vers la fragilité. En limitant la diffusion épidémique du coronavirus, ce confinement a sans doute initialement épargné de nombreuses vies, mais il faut maintenant agir afin qu’une vague colossale de pertes d'autonomie ne survienne dans les 2 à 3 années qui vont suivre la fin de cette crise.
Il est urgent de mettre en route un vaste programme préventif pour limiter l’arrivée d’une vague puissante de fragilité dans la population française. Ce programme aurait pour mission de permettre au plus grand nombre de « vieillir en santé », ce qui ne signifie pas forcément sans maladie, mais en conservant ses capacités intrinsèques grâce à des interventions validées, précoces et égalitaires qui seraient proposées sur tout le territoire national.
Tous les enjeux de la prévention de la perte d'autonomie de nos seniors sont parfaitement identifiés depuis longtemps. Ils touchent aux dimensions humaines et éthiques, médicale et sanitaire, économiques et politiques. Il n'y a pas de cynisme à souligner qu'une entrée massive de nos aînés en perte d'autonomie constituera pour la société, un fardeau bien plus considérable qu'une augmentation des décès dans la même proportion. C’est tout aussi vrai à l’échelon individuel pour chacun d’entre nous, en nous conférant potentiellement le rôle d’aidant avec l’impact lourd que l’on connaît au plan humain, financier, émotionnel…
Tout ce qui était programmé avant le Covid-19 en matière de prévention de la perte d'autonomie doit être revu en forte hausse pour prendre en compte au plus vite le changement majeur d'échelle qu'a provoqué l'épidémie.
Une grande partie des acteurs du secteur sont prêts pour tenter de relever ce défi, en y mettant toute l’énergie et les moyens des centres de prévention pour le « bien vieillir ». Mais un travail collaboratif avec tous les partenaires de prévention est indispensable si nous voulons atteindre ces objectifs.
Chacun est concerné, chaque famille, chaque maire, chaque professionnel du social et de la santé, et bien sûr la gouvernance sanitaire de notre pays. Des stratégies ambulatoires de repérage de la fragilité et des programmes massifs et collectifs de prévention chez les seniors doivent se généraliser partout et rapidement.
Didier Seyler
Membre titulaire de la SFMG
Ces propos n'engagent que l'auteur
Or, il est solidement démontré que dans les mois suivants une infection grippale survenant chez une personne de plus de 65 ans, le risque de perte d'autonomie ou d'indépendance fonctionnelle, le risque d’infarctus du myocarde et le risque de fragilité augmentent tous trois de façon significative. Ainsi, il est prévisible que l’on observe les mêmes conséquences dans les suites d’une infection à COVID-19 et que de nombreuses personnes guéries se retrouvent fragilisées et augmentent notablement leur risque d’évoluer vers la dépendance.
Il est encore plus solidement démontré que la sédentarité et l'inactivité physique, les épisodes aigus de stress ou le stress chronique constituent eux aussi des facteurs de risque important de perte d'autonomie. Les situations de solitude, d'isolement, de deuil, de passage à la retraite, voire le passage de la cinquantaine, sont reconnues comme pouvant provoquer un état de stress chronique.
Le confinement, en réunissant plusieurs de ces facteurs (isolement social, accentuation de la sédentarité et stress psychologique parfois en lien avec le deuil d’un proche), a créé les conditions favorisant une évolution vers la fragilité. En limitant la diffusion épidémique du coronavirus, ce confinement a sans doute initialement épargné de nombreuses vies, mais il faut maintenant agir afin qu’une vague colossale de pertes d'autonomie ne survienne dans les 2 à 3 années qui vont suivre la fin de cette crise.
Il est urgent de mettre en route un vaste programme préventif pour limiter l’arrivée d’une vague puissante de fragilité dans la population française. Ce programme aurait pour mission de permettre au plus grand nombre de « vieillir en santé », ce qui ne signifie pas forcément sans maladie, mais en conservant ses capacités intrinsèques grâce à des interventions validées, précoces et égalitaires qui seraient proposées sur tout le territoire national.
Tous les enjeux de la prévention de la perte d'autonomie de nos seniors sont parfaitement identifiés depuis longtemps. Ils touchent aux dimensions humaines et éthiques, médicale et sanitaire, économiques et politiques. Il n'y a pas de cynisme à souligner qu'une entrée massive de nos aînés en perte d'autonomie constituera pour la société, un fardeau bien plus considérable qu'une augmentation des décès dans la même proportion. C’est tout aussi vrai à l’échelon individuel pour chacun d’entre nous, en nous conférant potentiellement le rôle d’aidant avec l’impact lourd que l’on connaît au plan humain, financier, émotionnel…
Tout ce qui était programmé avant le Covid-19 en matière de prévention de la perte d'autonomie doit être revu en forte hausse pour prendre en compte au plus vite le changement majeur d'échelle qu'a provoqué l'épidémie.
Une grande partie des acteurs du secteur sont prêts pour tenter de relever ce défi, en y mettant toute l’énergie et les moyens des centres de prévention pour le « bien vieillir ». Mais un travail collaboratif avec tous les partenaires de prévention est indispensable si nous voulons atteindre ces objectifs.
Chacun est concerné, chaque famille, chaque maire, chaque professionnel du social et de la santé, et bien sûr la gouvernance sanitaire de notre pays. Des stratégies ambulatoires de repérage de la fragilité et des programmes massifs et collectifs de prévention chez les seniors doivent se généraliser partout et rapidement.
Didier Seyler
Membre titulaire de la SFMG
Ces propos n'engagent que l'auteur